Rencontre avec Vincent Bonnal du Domaine de Pélissols
Comme quoi tout vient à point à qui sait attendre, après nous être systématiquement loupés lors des précédentes venues de Vincent Bonnal à Toulouse, nous avons tout de même réussi à coordonner nos agendas pour un déjeuner ensemble il y a 2 semaines. Mais vous êtes peut-être en train de vous demander qui est ce Vincent Bonnal dont je vous parle... Inutile de vous jeter pas sur vos smartphones pour taper son nom sur Google, je vais tout vous dire.
Vincent Bonnal est vigneron, ou plutôt "artisan-vigneron" comme il se définit lui-même, au Domaine de Pélissols, un domaine situé dans l'Hérault, dont je vous avais un petit peu parlé ici car j'avais goûté et adoré son rosé lors d'une soirée à la cave Au Bec Fin.
Pour cette première rencontre "IRL" avec Vincent, nous nous étions donc donnés rendez-vous le 1er avril (assez cocasse quand on sait que le personnage est volontiers taquin) pour un déjeuner chez François de la cave à manger "Le Clos de François", située tout près du métro Saint Michel.
Petit aparté pour les toulousains : si vous ne connaissez pas encore Le Clos de François, je vous invite vraiment à découvrir l'adresse sans tarder !
François, le propriétaire des lieux, est adorable et de très bons conseils, sa sélection de vins naturels fort sympathique (ce n'est pas Vincent qui me contredira puisque François fait partie des quelques cavistes auxquels il fait confiance pour faire découvrir ses vins) et la cuisine y est simple mais savoureuse.
Si vous ne me croyez pas sur parole, lisez ce billet de David, du blog Abistodenas, je suis sûre qu'il finira de vous convaincre d'aller faire un tour chez François. Le collectif derrière le guide "Tronches de Vins" ne s'y est d'ailleurs pas trompé en incluant dans leur dernier opus Le Clos de François dans la liste des "cavistes qu'ont d'la gueule".
Fin de l'aparté. On passe aux présentations ?
Histoire du Domaine de Pélissols et d'un "jeune" vigneron
Le grand-père de Vincent Bonnal était l'ouvrier agricole de ce domaine situé à Bédarieux, dans le parc naturel du Haut-Languedoc. Le père de Vincent, né sur le domaine, s'était promis de l'acheter un jour. Un rêve devenu réalité en 1976, l'année de la naissance de Vincent.
Vincent a donc baigné dans le milieu du vin dès sa naissance, mais c'est son frère aîné qui a d'abord succédé à son père à la tête du Domaine de Pélissols.
Vincent lui, comme bon nombre de fils et filles de vignerons, a préféré aller voir ailleurs avant de finalement céder à l'appel de la terre des années plus tard.
Il commence dans le secteur de la chimie mais un matin, alors qu'un CDI lui tend les bras, il décide de tout plaquer et de reprendre des études d’œnologie.
Son diplôme en poche, le voilà parti forger son expérience dans différents vignobles, en France, mais aussi à l'étranger, notamment au Chili.
Une opportunité pour travailler en Chine se présente alors à lui, mais pour cela Vincent doit améliorer son niveau d'anglais. Qu'à cela ne tienne, il part à Londres pour apprendre la langue de Shakespeare et 6 mois plus tard, le pari est gagné et le voilà qui s'envole pour une mission de quelques mois en Chine. Il y restera 6 ans.
Pendant ces 6 années, Vincent sera tantôt œnologue conseil tantôt commercial/marketeur dans le vin, en passant par formateur. Mais un jour, comme il le dit lui-même, "ses racines le rappellent" et l'envie de devenir vigneron devient irrépressible.
Il décide de rentrer en France avec sa femme, rencontrée en Chine, et les deux filles de celles-ci (qu'il a depuis adoptées), et c'est à Bédarieux qu'il décide de s'installer car c'est sur ce terroir, qu'il juge exceptionnel, qu'il a envie de s'exprimer.
Son frère lui propose alors de reprendre l'exploitation familiale. Vincent accepte, mais à la condition d'avoir carte blanche car il a une idée très précise du vin qu'il a envie de faire et cela implique quelques changements pour le domaine.
Son père et son frère sont un peu dubitatifs au début, mais Vincent tient bon car il sait où il veut aller.
Sa philosophie, dans les vignes et à la cave
Travailler la vigne en accompagnant la nature au lieu de la combattre, élever un vin plutôt que de le fabriquer, telle est la vision que j'ai de mon métier.Vincent Bonnal
Les vignes du Domaine de Pélissols s’étendent sur 6.5ha, à 300-400m d'altitude.
On y trouve merlot, syrah et grenache mais aussi chardonnay et muscat.
Dès sa reprise du domaine en 2012, Vincent Bonnal sait que c'est en bio qu'il souhaite travailler. Il entame donc la conversion du domaine vers l'agriculture biologique.
Mais il veut aller encore plus loin pour exploiter toutes les richesses de son terroir et s'oriente vers la biodynamie pour redonner vie aux sols.
Je ne vais pas rentrer dans le détail du travail effectué par Vincent à la vigne car cela est très bien expliqué dans le dossier de presse qu'il a rédigé (disponible sur le site internet du domaine de Pélissols) et que je vous invite à lire : pelissols-dossier_de_presse
Vous y trouverez aussi des détails concernant le travail de Vincent à la cave sachant que les vins du Domaine de Pélissols sont vinifiés dans une logique "nature".
Et la dégustation dans tout ça ?
Le domaine de Pélissols propose un nombre volontairement restreint de cuvées (4) afin d'avoir du stock.
Les bouteilles viennent de la verrerie d’Albi.
Tous les vins du domaine ont la même étiquette.
Là encore, Vincent avait une idée très précise de ce qu'il voulait quand il a briefé le créatif.
Le résultat c'est une étiquette à la fois sobre, élégante et poétique. Quelque chose d'harmonieux et pur, à mi chemin entre l'Orient et l'Occident (la femme notamment évoque un personnage de la mythologie chinoise) mais aussi entre la tradition et la modernité.
La lune y prend une place très importante.
On retrouve d'ailleurs cette référence à la lune dans une citation reprise dans différents outils de communication du domaine :
"Dans l'obscurité de la lune, nos rêves éclairent le chemin »
On pourrait s'étonner du manque de différenciation visuelle entre les différentes cuvées et du peu d'informations fournies au dos des bouteilles, mais là encore c'est un choix volontaire de la part de Vincent.
Pour lui, nul besoin de différenciation et de grandes explications puisque vous ne trouverez jamais ses vins dans un supermarché.
Vincent souhaite en effet que ses vins soient commercialisés chez des cavistes de confiance, capables d'expliquer sa démarche, ses vins et la meilleure façon de les déguster (il conseille notamment de carafer toutes ses cuvées et de secouer un peu la carafe pour évacuer le gaz carbonique).
- Domaine de Pélissols Blanc
Quand vous entamez une dégustation avec Vincent, ne vous attendez pas à ce qu'il vous donne d'emblée les cépages entrant dans la composition du vin car il trouve que cette information "oriente" la dégustation (dès qu'on connaît les cépages, on cherche à en retrouver les caractéristiques habituelles).
J'avoue qu'à la dégustation, ce blanc me surprend.
Le nez pour commencer se montre imprévisible. Je le trouve d'abord très exubérant (et même un peu trop à mon goût) mais, dès l'aération, il commence à changer du tout au tout, pour aller vers plus de complexité et de finesse.
Une finesse et une complexité qu'on retrouve aussi en bouche.
Du gras aussi, mais sans lourdeur car ça reste très frais et digeste.
Après m'avoir laissée faire mes hypothèses, Vincent me dévoile enfin les secrets de ce facétieux vin blanc et notamment son assemblage : 70% muscat / 30% chardonnay.
On pourrait penser qu'avec un tel pourcentage de muscat, le vin pourrait être plus exubérant niveau arômes, mais en fait, Vincent ne cherche pas à extraire les arômes du cépage (pas de surmaturité, pas de macération mais au contraire un pressurage rapide). Son objectif c'est plutôt de faire ressortir les caractéristiques du lieu.
J'apprends également que le vin contient 7-8g de sucre résiduel. Étonnant car cela ne se sent presque pas en bouche, tant la fraîcheur est présente.
Apparemment, selon les millésimes, le vin blanc du domaine varie de sec à moelleux.
Au final, une vraie bonne surprise que ce vin blanc. Quand on sait en plus qu'il ne coûte que 12€, on peut se faire plaisir les yeux fermés.
- Domaine de Pélissols Rosé
Après le blanc, on passe au rosé, pas encore mis en bouteille.
Le rosé c'est une nouveauté introduite par Vincent car son frère n'avait jamais voulu en faire. La référence de Vincent en matière de rosés : Eric Pfifferling (Domaine de l'Anglore à Tavel).
Le rosé que j'avais bu l'année dernière était son 2e millésime.
Comme vous le savez déjà, je l'avais trouvé très bon, mais selon Vincent celui de cette année sera encore meilleur !
Au moment de goûter le petit nouveau, Vincent me redit qu'il n'est pas fini.
Mais franchement, il est déjà "très glouglou" : frais, fruité, simple mais trop. Plaisir immédiat garanti (et à moins de 10€ en plus)!
Pour Vincent, c'est le rosé à déguster l'été sur des grillades, ou pourquoi pas avec de la nourriture asiatique.
Côté "technique", on est sur un assemblage, avec une majorité de grenache et un peu de syrah et de merlot, et sur une macération de 36h (donnant au vin cette jolie couleur grenadine).
Malgré les 14° affichés au compteur, ça reste étonnamment frais.
Il faut dire que cette fraîcheur est vraiment une caractéristique des vins du Domaine de Pélissols (selon Vincent, c'est en partie lié à l'enherbement de la vigne qui a permis de faire baisser les PH).
Après le blanc et le rosé, on passe aux rouges du domaine.
Vincent vinifie séparément les parcelles et les cépages.
Concernant les rouges, deux identités se dégageaient clairement, c'est pourquoi il a décidé de faire deux cuvées différentes : une taillée pour la garde et une plus accessible, sur le fruit et la rondeur.
- Domaine de Pélissols Rouge
Cette cuvée est la cuvée "haut de gamme" du domaine (mais ça reste très accessible niveau prix puisqu'on est sur le même tarif que le blanc).
En bouche, c'est très concentré, plutôt sur les fruits noirs, mais comme l'acidité reste élevée il n'y a pas de sensation de lourdeur.
Dégusté "seul", j'aurais tendance à dire que le vin mérite d'attendre encore un peu pour assouplir les tanins, mais à table, il se fait déjà plus rond et plus agréable.
Vincent conseille lui de le déguster sur du sanglier (aurait-il lu dans mes pensées que Monsieur était corse ? ;)).
Côté assemblage, on est sur un 60% syrah / 40% merlot.
- "Luna Novéla" de Pélissols
Cette cuvée, vous l'aurez compris, est la cuvée accessible, l'entrée de gamme ou le "second vin comme dans la logique bordelaise" comme l'explique Vincent.
Outre le nom "Luna Novéla", la bouteille également diffère (l'idée étant de pouvoir en faire éventuellement une bouteille "négoce" à terme).
Avec cet assemblage 65% merlot / 35% grenache, on est à fond sur le fruit.
C'est facile, rond, digeste. Bref, ça se boit tout seul.
Des projets ?
Quand on discute un peu avec Vincent, on sent qu'il a tout un tas de projets et d'envies en tête, mais qu'il prend son temps et fonctionne énormément à l'instinct.
Parmi les projets qui ont déja abouti, il y a cette cuvée "1fusé x Pélissols", née d'une collaboration avec David Lavaysse, son ami d'enfance.
Pour la petite histoire, Vincent et David se connaissent depuis la maternelle.
Leurs parcours professionnels les avaient faits se perdre de vue, mais ils se sont retrouvés quand Vincent est revenu à Bédarieux. Très vite, ils ont eu envie de créer quelque chose ensemble et de mélanger leurs univers (David travaillant dans la musique). C'est comme cela qu'est née cette cuvée spéciale.
Sa particularité ?
Une carte micro-sd logée entre le bouchon et l’opercule des 76 bouteilles de vin rouge nature du domaine (vin rouge conçu spécialement pour ce projet), revêtant pour l'occasion une jolie étiquette en spirale .
Sur la carte, se trouvent 7 morceaux de musique, réalisés exclusivement à partir de prises de son faites par David au domaine de Pélissols en octobre 2014.
J'ai dégusté ce vin chez moi, quelques jours après ma rencontre avec Vincent, tout en écoutant les morceaux de David.
(NB : j'avais suivi le conseil de Vincent de carafer le vin au moins 1h avant, et de le servir à 15-16 degrés).
Bilan : j'ai apprécié cette cuvée spéciale, finalement assez proche dans l'esprit de la cuvée Luna Novéla.
Là encore on est sur quelque chose de frais, de fruité. Seul bémol : je trouve qu'il lui manque un petit quelque chose, notamment sur la fin. C'est un chouille trop court en finale.
Quant à la musique, c'est original et forcément un peu expérimental (certains sons ont par exemple été pris dans unes des cuves en béton du domaine), mais j'ai bien aimé cette ambiance, et notamment les morceaux "Cassandre et Sélène" (du nom des filles de Vincent) et "René" (du nom du père de Vincent).
Pour les autres projets de Vincent (mon petit doigt me dit qu'il pourrait y avoir un pét nat un de ces jours...), il vous faudra patienter encore un peu, mais pour déguster ses vins, sachez que vous pourrez le retrouver au Salon Rue89 des Vins les 3 et 4 mai à Paris.
Et si vous voulez savoir où vous procurer ses vins un peu partout en France (hormis la cuvée 1fusé x Pélissols qui est déjà épuisée), le plus simple c’est de le contacter !
Vincent BONNAL
Domaine de Pélissols
34600 Bédarieux
Tel: +33 (0)6 49 95 60 94
Email : contact@pelissols.com
Site Internet (+ecommerce): www.pelissols.com
Blog : d-pelissols.tumblr.com
Page Facebook : https://www.facebook.com/pages/Domaine-de-P%C3%A9lissols/445314838879039
Compte Twitter : @pelissols
Compte Instagram : @domaine_de_pelissols
Rencontre avec Maria-Francesca Devichi, aka Mademoiselle D., vigneronne en Haute-Corse
Cela faisait longtemps que je ne vous avais pas brossé le portrait d'un vigneron ou d'une vigneronne, essentiellement par manque de temps. Qu'à cela ne tienne, j'ai décidé qu'en 2015 j'allais tout faire pour essayer de trouver du temps et renouer avec ce plaisir que j'avais à aller "sur le terrain", à la rencontre des personnes qui se cachent derrière les bouteilles qui me font vibrer ou m'interpellent.
Afin que ces bonnes résolutions ne résument pas à de belles paroles, je vous propose de commencer tout de suite, en revenant avec vous sur une visite qui date de cet été. Pour ce premier portrait du millésime 2015, je vous emmène en Haute-Corse, et plus précisément au lieu-dit Fontana, à Barbaggio, tout près de Patrimonio, à la découverte de Maria-Francesca Devichi (que vous pouvez aussi appeler Marie-Françoise), aka Mademoiselle D., et de son domaine éponyme.
Avant de faire les présentations, laissez-moi vous situer le cadre géographique...
Le caveau du domaine Devichi, où Maria-Francesca vinifie ses vins et accueille le public, se trouve sur les hauteurs, sur la route menant de Saint-Florent à Bastia, au cœur du lieu-dit Fontana, sur la commune de Barbaggio.
Les vignes en revanche, sont plus bas, dans la plaine.
Du domaine Jacques François Devichi à Mademoiselle D ...
Ce domaine de 40ha appartient depuis 6 générations à la famille Devichi, une des plus anciennes familles de vignerons de l'île.
Le grand-père de Maria-Francesca fut même l'un des premiers de l'appellation Patrimonio à mettre le vin en bouteille et à proposer la dégustation gratuite à la cave .
Après un parcours qu'elle qualifie elle-même de "très éclectique", Maria-Francesca Devichi a rejoint l'exploitation familiale en 2002, et a officiellement repris les rênes en 2012, devenant ainsi la 6ème génération à la tête du domaine, et la première femme.
Quand j'ai commencé à aider mon père, il apportait le vin fini et agréé en coopérative. A l'époque, il avait fait ce choix avec ma mère car je ne devais pas reprendre l'exploitation et cela lui permettait d' "économiser" en temps la partie commerciale et la mise en bouteilles pour peaufiner le travail de ses vignes, et les rendre encore plus belles.
Puis la coopérative a fait faillite, avec une créance encore impayée à ce jour. Ça n'a pas été facile, il a fallu nous retrousser les manches, conserver nos salariés [certains travaillent avec nous depuis plus de 20 ans] et trouver de nouveaux marchés. Même si le travail ne me fait pas peur, j'ai surtout eu la chance de croiser les bonnes personnes au bon moment, je leur en serai toujours reconnaissante. On a ouvert de nouvelles voies, et on a continué à vendre en gros au négoce et à l'export pendant encore des années. Puis ma reprise de l'exploitation s'est profilée comme une évidence.MF Devichi
Aujourd'hui Maria-Francesca est donc vigneronne à 100%, et peut compter sur une équipe de 7 personnes pour l'épauler, ainsi que sur son père, Jacques Devichi, qui l'a formée et continue de lui donner un coup de main, en l'aidant notamment à superviser le travail à la vigne.
En reprenant le domaine, elle a très vite été confrontée à un problème de taille : l'absence de notoriété du domaine Devichi.
Quand les gens m'interrogeaient sur mon métier et que je répondais vigneronne, on me demandait tout de suite le nom de mon domaine. Et systématiquement, quand je répondais "Devichi", personne ne connaissait... Il faut dire que cela faisait 10 ans que mes parents ne mettaient plus en bouteille sous leur étiquette, alors forcément, le nom s'était un peu perdu.
Un peu piquée d'orgueil j'ai voulu remédier à ça, recréer une image, un visuel, démarcher quelques établissements, et reprendre la vente au caveau.
Puis, je me suis lancée, j'ai "créé ma marque", parce qu'en 2015 un paysan est aussi businessman, et Mademoiselle D est née. Un peu pour marquer l'étape, qui est grande pour moi et pleine de challenges à relever, dans un milieu plutôt masculin; et puis aussi pour me dire que si le destin a voulu que je reste sur mes terres (et il a eu raison) c'est pour y laisser quand même un peu mon empreinte.MF Devichi
Outre ce projet de création de marque, Maria-Francesca s'est aussi investie personnellement dans la promotion de ses vins, notamment sur les réseaux sociaux.
Pour tout vous dire, c'est d'ailleurs comme cela que nous nous sommes rencontrées. Car, j'ai beau connaître un certain nombre de domaines corses, je dois bien admettre que je n'avais jamais entendu parler du domaine Devichi avant de tomber sur ce domaine sur Twitter, puis sur Instagram, ce qui ne m'a pas empêchée d'être tout de suite intriguée par ce petit domaine de Haute-Corse et par la demoiselle qu'il y avait derrière.
Une demoiselle qui m'a d'emblée parue très dynamique, fourmillant d'idées et avec une très bonne compréhension de l'utilité des réseaux sociaux pour un domaine comme le sien.
Au fil de nos échanges, mon impression s'est confirmée et c'est tout naturellement que je me suis promis d'aller lui rendre visite lors d'un prochain passage en Corse.
J'ai tenu ma promesse cet été, et après avoir fait connaissance "en vrai" avec "Mademoiselle D.", je peux vous dire que sa communication sur les réseaux sociaux est à son image et à l'image de ses vins : authenticité, générosité, joie de vivre, modernité et dynamisme !
Comment voit-elle son métier de vigneronne et le vin de façon générale ?
C'est un métier où l'on apprend tous les jours, aussi bien dans les rangées qu'entre les cuves.
Un métier de passion, souvent difficile, mais c'est cette passion qui t'apporte de grandes joies et te fait oublier tout le reste.
Le vin, pour moi ce sont des valeurs mais aussi la convivialité, le partage et le plaisir. Un produit qui doit rester abordable et accessible à tous, même quand il est très très bon.MF Devichi
Maintenant que les présentations sont faites, laissez-moi vous parler du travail de MF Devichi à la vigne et à la cave.
Sa philosophie, dans les vignes et à la cave
Les vignes appartenant au domaine Devichi s'étendent sur 40ha d'un seul tenant dans la plaine, sur un sol argilo-calcaire.
On y trouve du niellucciu (occupant à peu près la moitié de la surface), du vermentinu (aussi appelé malvoisie) et du muscat petits grains.
Lors de ma visite, j'ai eu droit à un petit tour dans les vignes et le moins que l'on puisse dire c'est que l'environnement de travail de Maria-Francesca a de quoi faire des envieux !
Chez les Devichi père et fille, les vignes sont chouchoutées pour qu'elles puissent donner les plus beaux raisins possibles, condition sine qua non à leurs yeux pour espérer produire un vin de qualité.
Je n'oublie pas qu'avant tout un vigneron (ou une vigneronne) c'est un agriculteur, un paysan. Je ne crache pas sur mes racines, et ma première fierté, c'est de produire de beaux raisins. Et pour ça, crois-moi, j'ai été à bonne école avec mon père. Je tiens de lui cette passion et cet amour du travail bien fait.
On travaille en agriculture raisonnée, mais la labellisation bio ne m'intéresse pas. Sur le plan personnel d'abord, parce que je n'aime pas mettre des gens dans des cases et encore moins que l'on m'y mette. Et puis parce que je sais ce que je fais, et que j'essaie de le faire bien, dans l'intérêt de tous, aussi bien à la cave qu'à la vigne.MF Devichi
Pour assurer la qualité des raisins qui arrivent à la cave, les vignes sont vendangées manuellement. Cela représente une charge de travail non négligeable car il faut plusieurs semaines pour vendanger les 40ha, mais ce travail est un passage obligé selon MF.
Cela me permet d'effectuer une vraie sélection "des grappes" selon mon type de produit, et aussi de garder une visibilité sur ce que l'on rentre à la cave, tout en conservant le fruit intact pour pouvoir le travailler dans les meilleures conditions possibles.MF Devichi
Après le soin apporté à la vigne, l'objectif à la cave est avant tout de faire ressortir le terroir et l'expression des cépages utilisés sur l'année écoulée (le fameux effet millésime).
Pour ce faire, Maria-Francesca ne levure pas et sulfite juste ce qu’il faut pour que les meilleures souches de levures indigènes présentes sur la pruine du raisin se développent.
Les goûts de pamplemousse et de banane, ça ne m'intéresse pas, mais un bon Niellucciu, travaillé en macération longue avec un raisin top en qualité et en maturité, qui te donne un fruité et une rondeur même après seulement 12 mois de garde, c'est un peu ma marque de fabrique.MF Devichi
Les vinifications sont réalisées dans des cuves en inox et en béton.
Mais la vigneronne aime aussi tenter de nouvelles expériences.
Avec les raisins de la vendange 2014 par exemple, elle s'est essayée à un rosé de saignée alors que jusqu'à présent, le pressurage direct était de rigueur.
Elle aimerait également s'essayer à la vinification dans des cuves œufs, et pourquoi pas tenter des choses avec un élevage sous bois, même si à date, c'est une chose qu'elle ne maîtrise pas.
Je veux continuer à faire des produits que j'aime, sans suivre les modes ou les marchés. Aujourd'hui c'est un peu triste de voir les techniciens prendre le dessus et dicter cette homogénéisation du goût. On ne sait plus dire "ça ne me plaît pas" mais seulement, "ça n'est pas bon" ! Chacun doit savoir rester à sa place et surtout rester humble.MF Devichi
Et la dégustation dans tout ça ?
- Les vins en AOC Patrimonio
Les vins qu'élaborent MF Devichi se déclinent sur les trois couleurs.
Lors de ma visite cet été, je n'ai pas eu la chance de goûter le blanc à base de vermentinu, qui était en rupture de stock, mais si j'en crois mister God Bless Bacchus, j'ai loupé quelque chose !
Mais parlons plutôt de ce que j'ai pu goûter, à commencer par le vin rouge et le vin rosé élaborés par Maria-Francesca, tous deux issus du même cépage, le nielluccio (niellucciu en corse - "niellu" voulant dire "noir, sombre, dur"), l'un des cépages phares de l'île et du vignoble de Patrimonio.
Le rosé : un bouquet de fruits au nez. Un côté fruité que l'on retrouve aussi en bouche. Super agréable à l'apéro !
Le rouge : élevé environ 18 mois en cuve ciment, il est lui aussi très fruité, avec des petits accents de maquis et une rondeur fort agréable.
- Le Muscat Fruttu di Sole en AOC Muscat du Cap Corse
Le Muscat Fruttu di Sole est un peu l'emblème du domaine.
En effet, le domaine Devichi a été l'un des premiers domaines à faire du muscat, avant même la naissance de l'AOC Muscat du Cap Corse en 1993.
Les plus vieilles vignes appartenant à la famille Devichi (qui ont 40 ans) sont d'ailleurs des vignes de muscat petits grains.
Le mûrissement optimal des grappes de muscat est assuré grâce à l'exposition sud-ouest des parcelles, qui bénéficient ainsi du soleil presque toute la journée, et grâce à une taille en gobelet, très basse, qui permet de conserver la chaleur.
Selon une tradition familiale, le muscat est élevé en cave, au minimum 3 ans.
J'ai vraiment adoré ce muscat, à la belle couleur ambrée. Il m'accompagne d'ailleurs en ce moment-même alors que je rédige ce billet, avec quelques orangettes artisanales.
Un nez envoûtant, des notes de fruits secs et de miel d'acacia, un parfait équilibre entre acidité et sucrosité, une belle longueur en bouche... bref, un délice ! Je l'ai aussi testé avec des crêpes sucre/citron à l'occasion de la Chandeleur et c'était top.
Prochaine étape : le tester sur du salé, avec par exemple du roquefort. J'en salive d'avance !
- Les Vins de liqueur
En complément de sa gamme de vins, MF Devichi commercialise également des vins de liqueur.
A l'époque, les parents de Maria-Francesca produisaient des vins de liqueur d'oranges, de myrte, de pêches et de cerises griottes, mais cette production avait été stoppée il y a quelques années.
C'est face aux demandes récurrentes d'anciens clients que Maria-Francesca a décidé de reprendre le flambeau et a appris à confectionner de façon traditionnelle un vin de liqueur aux zestes d'orange et un vin de liqueur aux baies de myrte.
Pour le premier, les zestes d'oranges non traitées sont pelés à la main, pour en diminuer l'amertume, et mis à macérer dans de l'eau de vie. On y ajoute ensuite du vin rosé pour compléter.
Le principe est le même avec les baies de myrte, si ce n'est que le vin rajouté est du vin rouge.
Ces vins de liqueur sont délicieux purs, mais si vous aimez les cocktails, je vous encourage à essayer celui proposé par Guillaume avec le vin de liqueur aux zestes d'orange ou encore celui de Maria-Francesca avec le vin de liqueur de myrte dont vous trouverez la recette ci-dessous :
- 1/4 de sirop de fraise (ou carrément de la purée de fraises fraîches mixées avec du basilic et de la menthe)
- 1/4 (voire 1/2 selon la force recherchée) de vin de liqueur de myrte
- le reste en Orezza (une eau pétillante corse) et glace pilée
Une jeune vigneronne pleine de projets
A la fin de ma visite, nous avons abordé l'avenir et le moins que l'on puisse dire c'est que Mademoiselle D. déborde de projets et d'envies.
A commencer par la volonté de développer l'export, mais de manière plus personnelle, presque plus intime, que ce qui a pu être fait dans le passé.
Parmi ses projets, il y a aussi la construction d'un chai moderne et écologique en plein cœur de ses vignes.
J'ai la chance d'avoir hérité d'une magnifique propriété, à l'heure où des tas de jeunes agriculteurs se battent pour avoir du foncier. Je suis infiniment reconnaissante du travail des générations passées, aussi bien pour le savoir faire que pour les biens qu'elles m'ont laissés.
Idéalement, j'aimerais un jour avoir ma cave et ma maison dans les vignes, en rénovant la vieille bâtisse [NB : celle que l'on voit sur la photo ci-dessous]. J'aspire à un chai moderne , et surtout écologique (autosuffisant par un traitement des effluents de cave ou par la géothermie).
Je suis au cœur d'un site classé, sur un terroir historique et préservé. C'est une force qui te pousse à voir loin, et à voir grand, mais sans aucune prétention parce que la terre, au fond, elle n'appartient à personne...MF Devichi
Comme je vous le disais plus haut, Maria-Francesca Devichi est très active sur les réseaux sociaux. Pour découvrir son quotidien de vigneronne et vous tenir informés des dernières actualités du domaine, je vous invite donc à la suivre, vous ne serez pas déçus !
Moi par exemple, de retour à Toulouse à la fin de l'été, j'ai adoré découvrir ses photos quotidiennes pendant les vendanges.
Et si vous voulez savoir où vous procurer ses vins, le plus simple c'est de la contacter !
Domaine Devichi
lieu-dit Fontana
20253 Barbaggio
Tel: +33 6 03 83 57 03
Email : m.f[at]wanadoo.fr
Site Internet : à venir
Page Facebook : https://www.facebook.com/MlleD.MFDevichi
Compte Twitter : Devichi Winery @MlleDevichi
Compte Instagram : @mlledevichi
Tom Fiorina, un américain amoureux de la Corse...au point d'en faire des guides !
[ENGLISH VERSION OF THIS ARTICLE AVAILABLE AT THE END OF THE FRENCH VERSION, BELOW THE BEACH PICTURE]
Les lecteurs fidèles que vous êtes connaissent mon amour pour la Corse et pour ses vins. Eh bien figurez-vous que j'ai trouvé à Toulouse un autre grand amateur des vins corses en tombant par hasard sur le compte Twitter de Tom Fiorina.
Tom Fiorina est américain, mais vit depuis 2007 tout près de Toulouse.
Diplômé du DNO (Diplôme National d'Œnologue), il aimerait bien pouvoir posséder ses propres vignes et faire son vin un jour, en Corse ou dans le Sud Ouest, mais en attendant, il écrit sur le vin et les spiritueux (Armagnac notamment) sur son blog www.thevineroute.com.
Comme je le disais plus haut, ce qui a attiré mon attention, c'est son intérêt pour la Corse et le fait qu'il ait écrit des guides sur les vins corses.
Ayant eu l'occasion de croiser Tom il y a 2 semaines lors du déjeuner organisé par les Côtes de Gascogne, j'en ai profité pour lui poser quelques questions afin de savoir comment lui était venu sa passion pour la Corse et ce qui l'avait poussé à écrire ses guides sur les vins corses.
Si vous passez l'été en Corse ou prévoyez de visiter l'Ile de beauté et ses vignobles dans les mois à venir, je vous conseille de jeter un œil aux guides de Tom.
Il a écrit 4 guides, dédiés aux principales villes de Corse et leurs environs : Ajaccio, Bastia, Calvi, Bonifacio. S'ils mettent surtout l'accent sur le vin et les vignerons, vous y trouverez aussi des infos sur la culture et la cuisine corses, ainsi que des suggestions d'hôtels et restaurants. Chaque guide est disponible en téléchargement pour le prix unitaire de 7€.
Avant de vous indiquer les liens où vous pourrez trouver ces guides, je vous propose une mini interview de Tom Fiorina pour en savoir plus sur lui et sur sa vision des vins de l'Ile de Beauté.
N.B : j'ai traduit ses réponses, mais si vous parlez anglais, vous pouvez trouver ses réponses en version originale dans l'article en anglais, juste après celui en français.
Interview de Tom Fiorina
Je suis américain, mais mes grands-parents paternels et maternels, d'origine italienne, ont émigré aux Etats-Unis dans les années 20. J'ai grandi près de Pittsburgh, une des villes les plus multiculturelles des Etats-Unis. Après avoir travaillé en tant que journaliste à Washington, j'ai décidé de faire un M.B.A en marketing à l'Université de Pittsburgh. Il y avait 3 étudiants français dans ma classe, et c'est en rendant visite à l'un d'entre eux à Paris, après avoir obtenu nos diplômes, que j'ai fait connaissance avec ma femme. Au début des années 90 j'ai travaillé dans la communication, en Europe, au sein de plusieurs compagnies internationales. Le dernier poste que j'ai occupé était en Italie, pour Coca-Cola, mais j'évite de le mentionner aux vignerons que j'interviewe ;-).
La famille de ma femme est originaire de Corse. Elle m'a emmené pour la première fois sur l'île en 1992, et j'en suis immédiatement tombé amoureux. Quand je suis arrivée à Toulouse en 2007, suite à la suppression de mon poste chez Coca Cola dans le cadre d'une restructuration, je n'ai pas réussi à retrouver un poste similaire. J'ai commencé à tenir mon blog sur le vin en 2009. Plusieurs de mes articles mettaient en avant des vignerons corses que j'avais eu l'occasion de rencontrer lors de mes visites sur l'île.
J'ai gagné plusieurs prix pour mes articles de blogs, et un jour j'ai été contacté par une journaliste spécialisée, Wink Lorch, dont le site WineTravelGuides.com est dédié à l’œnotourisme. Elle m'a expliqué avoir du du mal à trouver des guides sur la Corse en anglais pour alimenter son site. J'ai ainsi écrit 2 guides pour ce site : un sur le nord de l'île et un sur le sud.
Mes 4 nouveaux guides - un pour chacune des villes les plus importantes de Corse (Ajaccio, Porto-Vecchio, Bastia et Calvi) - sont disponibles en anglais et en français. Les traductions ont été réalisées par ma femme, qui est professeur d'anglais dans une école près de Toulouse.
Mes guides s'adressent aux gens qui s'intéressent aux vins corses, mais souhaitent aussi découvrir l'histoire, la gastronomie et la culture de chacune de ces régions de la Corse. J'ai sélectionné les hôtels et restaurants sur les critères suivants : qualité, rapport qualité-prix et authenticité.
Les producteurs mentionnés dans mes guides utilisent des cépages indigènes corses.
Certains sont en bio, d'autres en biodynamie, mais tous ont pour objectif de faire ce que j'aime appeler un "vin authentique", reflet de son cépage et de son terroir.
Un été, j'ai fait un arrêt à Patrimonio pour saluer Antoine Arena. Antoine est une figure patriarcale pour beaucoup de vignerons de l'île. Il est connu en France et dans le monde du vin pour la qualité de ses vins, en particulier ses cuvées "Haut Carco", mais aussi pour son respect de la nature et son amour de la Corse.
Un journaliste travaillant pour l'un des magazines de vin les plus respectés aux Etats-Unis était chez lui ce jour-là, et Antoine m'a proposé de me joindre à eux pour faire une visite du domaine. Il m'a dit qu'il avait besoin d'un traducteur, mais je sais qu'il aurait très bien pu se débrouiller tout seul puisqu'il comprend l'anglais et le parle.
Quoiqu'il en soit, vers la fin de la visite, j'ai appris que ce journaliste allait dîner le soir-même dans le restaurant où ma femme et moi avions réservé. Quand nous avons terminé la visite du domaine, Antoine nous a demandé de l'attendre quelques secondes. Il est allé dans sa cave et en est revenu avec un magnum de vin rouge à nous partager au restaurant. Il nous a dit que ce vin avait été fait à partir de vignes plantées par son grand-père. Il ne l'a jamais vendu car le rendement de ces vieilles vignes est trop faible, mais aime le partager avec les personnes qui viennent travailler pour les vendanges. C'était un vin très particulier que je n'oublierai jamais.
Les 3 M : montagne, mer et maquis. Ce sont à mes yeux les trois choses qui donnent leur identité aux vins corses.
Je les aime toutes, mais si je devais n'en choisir qu'une, j'opterais pour la région de Calvi. Les villes de Calvi et de l'Ile Rousse possèdent de magnifiques plages de sable et des ports qui fourmillent de restaurants de poissons et de fruits de mer. A l'intérieur des terres de la région de la Balagne, on trouve des villages perchés sur les collines, comme Sant'Antonino, Speloncato, Pigna et Lumio, qui offrent une vue à 360° sur la mer et les montagnes. Les hôtels sont bourrés de charme, les restaurants excellents, et sur la Route des Artisans vous pourrez trouver des produits traditionnels, confectionnés à la main, ainsi que bien sûr d'excellents vins.
Si vous souhaitez visiter les vignobles corses, je vous suggère d'essayer d'y aller hors saison pour éviter la chaleur estivale et les foules. Évitez également le mois de Septembre, car c'est la période des vendanges et les vignerons n'auront pas le temps de vous recevoir.
Essayez un Vermentinu (connu aussi sous le nom de Malvoisie) de chez Antoine Arena, Yves Leccia ou Yves Canarelli. Aromatiques, riches et intenses, ils brillent par leur fraîcheur et leur acidité. L'un des meilleurs accords pour ce type de vins, c'est le brocciu frais que vous pouvez trouver en Corse, de l'hiver au printemps. C'est un fromage riche et onctueux, qui appelle un vin blanc avec suffisamment de texture, de densité et de volume pour se mesurer aux arômes du lait frais des chèvres nourries dans le maquis.
En dehors de l'accord mentionné plus haut entre le Vermentinu et le Brocciu (brocciu que vous pouvez servir avec une salade de roquette assaisonnée d'un trait d'huile d'olive), je suggèrerais un rosé (en particulier le rosé gris en AOC Calvi du Clos Landry, impressionnant par sa finesse aromatique, son équilibre et sa fraîcheur) avec une assiette de charcuterie corse. Ou encore un civet de sanglier, mariné au vin rouge et servi avec un plat de polenta, à accompagner d'un rouge Oriu du Domaine de Torraccia (80% Niellucciu et 20% Sciaccarellu), un vin qui possède une belle acidité et dont les tannins sont doux.
La Corse ressemble à un continent miniature. Au nord, certaines zones évoquent les collines toscanes, quand les vallées montagneuses et pics enneigés au cœur de l'île rappellent la Suisse. Si l'intérieur des terres brille par sa beauté, les côtes corses ne sont pas en reste, avec des centaines de plages aux eaux turquoises qui n'ont rien à envier aux plages des Caraïbes. Le climat de la Corse, avec de fortes influences de la montagne et de la mer, ainsi que son terroir varié, en font un lieu idéal pour faire pousser la vigne.
La réputation des vins corses a presque été détruite dans les années 60-70 quand les pieds noirs ont rapporté sur l'île des techniques de vinification industrielles et des cépages à hauts rendements. Au début des années 90, les vignerons de l'île ont commencé à remplacer ces cépages internationaux à hauts rendements par des cépages autochtones et à pratiquer une viticulture bio ou biodynamique pour faire des vins qui expriment la typicité du terroir et du climat corses. Je pense que l'avenir est radieux pour les vins corses, en particulier parce que les amateurs de vin du monde entier sont à la recherche de vins ne provenant pas des régions viticoles les plus connues. La relève est assurée en Corse car il y a de nombreux vignerons, jeunes et talentueux, qui commencent à planter des vignes et à produire leur vin. Le problème que peuvent affronter les vins corses est plus un problème de rareté car la production de vin sur l'île est limitée. On risque donc de voir les prix augmenter.
Chaque été, le père de ma femme nous emmène faire de la randonnée sur le plateau du Coccione. C'est un endroit sauvage et rocailleux, au nord du village de Quenza dans la région de l'Alta Rocca, au-dessus de Porto-Vecchio. Quand il était jeune, sa famille faisait le voyage à pied et à dos d'âne jusqu'à un petit village qui se trouve sur le plateau, pour échapper à la chaleur et aux moustiques porteurs de malaria qu'on trouvait en bord de mer. Le village est aujourd'hui en ruines, mais ça reste un endroit très spécial. L'air est imprégné des senteurs du maquis, et il y a des cochons sauvages et des vaches qui se promènent en liberté au milieu des rochers sculptés par la pluie et le vent. Ayant passé une bonne partie de son enfance ici, il connaît chaque recoin de cet endroit magique. Pendant la randonnée, il nous fait boire dans les différentes sources qui serpentent sur le plateau - certaines sont juste de minces filets d'eau cachés derrière des buissons ou des rochers. Chaque source a un goût différent. C'est ainsi que j'ai réussi à comprendre le concept de "terroir" et la façon dont cela peut affecter le goût de quelque chose.
J'espère que mes guides ont réussi à capturer un peu de la magie de cette île si particulière, et qu'ils inviteront les gens à découvrir ces vins faits par des personnes réellement attachées à leur terre.
J'espère que cette petite interview vous aura donné envie de découvrir les guides de Tom Fiorina sur les vins corses.
Si c'est le cas, vous pouvez les trouver ici en français.
[ENGLISH VERSION OF THE ARTICLE]
My interest in Corsican wines had me bump some months ago into the Twitter account of Tom Fiorina.
Tom Fiorina is American but he's been living near Toulouse since 2007.
He is one of the few Americans to have earned the DNO (Diplôme National d’Œnologue) and hopes to make wine with his own vines someday in Corsica or in southwestern France. For now, he writes about wines and spirits (mainly Armagnac) on his wine blog www.thevineroute.com.
What draw my attention was his interest in Corsica and the fact that he wrote guides about Corsican wines.
As we met 2 weeks ago at an event organized to promote Côtes de Gascogne wines, I asked him about his passion and he told me how he fell in love with Corsican wines and decided to publish his guides.
Whether you are heading towards Corsica this summer or planning to visit the island and its vineyards in the coming months, I'm sure Tom´guides might prove useful to you.
Tom wrote 4 guides, dedicated to the 4 main cities of Corsica and their surroundings : Ajaccio, Bastia, Calvi, Bonifacio. Though they are mainly focussed on wines, you will also find in these guides some info about Corsican culture and gastronomy as well as hotel & restaurant suggestions. You can download these guides for 7€ each.
But before giving you the links, let´s get to know Tom Fiorina better thanks to some "interview-like" questions about him, but also about Corsican wines and winemakers.
Interview of Tom Fiorina
I’m American, but my grandparents on both sides of my family were Italians who emigrated to the U.S. in the 1920s. I grew up near Pittsburgh, which is one of the most ethnically-diverse cities in the U.S. After working as a journalist in Washington, D.C., I decided to do an M.B.A. in marketing at the University of Pittsburgh. There were three French students in my class, and one of them, once we had graduated and I was visiting him in Paris, introduced me to my wife. Beginning in the early 1990s, I worked in communications for several international companies in Europe. My most recent position was in Italy where I worked for Coca-Cola, but I try not to mention that to winemakers who I interview ;-).
My wife’s family is from Corsica. She took me to the island in 1992, and I instantly fell in love with it. When I came to Toulouse in 2007, after my communications position with Coca-Cola had been eliminated in a corporate restructuring, I was unable to find another position. I started writing my wine blog in 2009, and many of my articles were about Corsican winemakers who I had met during my visits there.
I had won several awards for my wine blog articles, and one day I was contacted by the English wine journalist Wink Lorch who has a wine tourism website named WineTravelGuides.com. She told me that she had been trying, unsuccessfully, for 10 years to get English-language guides about Corsica for her website. I wrote two guides for her. One for the northern part of the island, and one for the south.
My four new guides—one for each of the largest cities in Corsica (Ajaccio, Porto-Vecchio, Bastia and Calvi), are in English and French. The translations were done by my wife, who teaches English at a school near Toulouse. My guides are more for people who have an interest in Corsican wine, but who also want to discover the history, the gastronomy, and the culture of each of these regions. The hotels and restaurants were selected because of their quality, their value-for-money, and their authenticity.
The producers in the guides use primarily indigenous Corsican varieties of grapes. Some are organic, some are biodynamic, but their common objective is to make what I like to call authentic wine that expresses the grape variety and the terroir.
I stopped one summer to say hello to Antoine Arena in Patrimonio. Antoine is a patriarchal figure for many of the island’s winemakers. He’s known throughout France and the wine world for his wine--especially his Haut Carco cuvées, for his respect for nature, and for his love for Corsica. A journalist from one of the most respected wine magazines in the U.S. was there, and Antoine asked if I might join them on a tour of the estate. He said that he needed a « translator », but the truth is that I know that he does understand and speak English. Whatever…
Towards the end of the tour, I discovered that this journalist was going to be eating that night at the same restaurant where I had made a reservation for my wife and I. When we finished the tour, Antoine said to wait a second. He went back into his cellar and came back with a magnum bottle of red wine for us to share at this restaurant. He told us that it was wine made from grapevines that his grandfather had planted. He never sells this wine, he said, because the yield from the old vines is so low. Instead he drinks it with the people who harvest his grapes. That was a very special wine that I’ll never forget.
The three « M »s : montagne, mer and maquis (mountain, sea and "maquis"). These are three things that I believe give Corsican wine its identity.
I like them all, but if I had to choose just one, I’d suggest visiting the Calvi region. L’Île-Rousse and Calvi have gorgeous, sandy beaches and ports filled with seafood restaurants, and the Balagne area inland from Calvi has hilltop villages like Sant’Antonino, Speloncato, Pigna and Lumio that offer 360-degree views of the sea and mountains further inland. There are hotels with incredible charm, excellent restaurants, the Route des Artisans where you can find traditional, handcrafted items, and, of course, excellent wine.
For all Corsican wine regions try to go there off-season to avoid the summer heat and crowds, and I’d suggest avoiding visiting vineyards in September, during the grape harvest, as the winemakers will not have time to speak to you.
Try a Vermentinu (known as Malvasia in Corsica) from Antoine Arena, Yves Leccia or Yves Canarelli. Aromatic, rich and intense, they shine with a brilliant freshness and acidity. One of the best things to accompany them is the brocciu frais that you find in Corsica in the winter through the springtime. This is a rich, voluptuous cheese that demands a white wine with the texture, weight and volume to stand up to the intense aromas of fresh milk from goats that feed in the maquis.
Besides the above-mentioned Vermentinu-Brocciu (perhaps serving the brocciu with a rocket salad and olive-oil dressing), I suggest a rosé (especially the AOC Calvi rosé gris from the Clos Landry that has outstanding aromatic finesse, balance and freshness) with a plate of Corsican charcuterie. Or a civet de sanglier, marinated in red wine and served with a plate of polenta and accompanied by a Domaine de Torraccia Oriu rouge (80% Niellucciu and 20% Sciaccarellu) with its excellent acidity and soft tannins.
Corsica resembles a miniature continent. In the north, certain areas evoke Tuscan hills, while the alpine valleys and snowy peaks in the center of the island could be straight out of Switzerland. And all of this beauty is framed by hundreds of Caribbean-blue-water beaches. Its climate, with the strong influence of its mountains and the sea, and its varied terroir, makes it ideal for growing grapes.
Corsica’s wine reputation was almost destroyed in the 1960s and ‘70s when repatriated French colonists from Algeria--the « pieds noir »--brought industrial winemaking and high-yield grape varieties to the island. Beginning in the 1990s the island’s winemakers began to replace these high-yield, international grape varieties with native Corsican grape varieties and to use organic and biodynamic viticulture to make wine that expresses the typicity of the Corsican soil and climate. I think that the future is bright here, particularly as the world’s wine drinkers seek wines from outside of better-known regions. There are many talented, young winemakers who are starting to plant vines and to begin production. The problem is that the quantity of wine produced on the island is limited, so there is a risk of prices rising.
My wife’s father takes us hiking each summer to the plateau du Coccione. This is a wild, rocky area north of the village of Quenza in the l’Alta Rocca area above Porto-Vecchio. When he was young, his family made the journey by foot and on donkey to a small village on this plateau to escape the heat and malaria-bearing mosquitoes of the seaside. The village is now in ruin, but it’s a very special place. The air is scented with the maquis, and there are wild pigs and cows roaming among the rocks that have been sculpted by the rain and wind into fantastic shapes. He knows every part of this magical place, having spent a good part of his childhood here. As we hike he takes us to drink from the many springs on the plateau—some of them just a trickle hidden beneath bushes or rocks. Each spring has a different taste. This is how I came to understand the concept of "terroir" and how it affects the taste of everything.
I hope that my guides capture some of the magic of this special island, and that they help people to discover wine made by people who have a great attachment to their land.
I hope this interview convinced you to have a look at Tom Fiorina's wine guides about Corsica.
If so, you can find them here in English.
Le Clos Nicrosi, une pépite au coeur du Cap Corse
Pour oublier un peu le froid qu'il fait dehors, j'ai décidé de vous raconter la visite qui a ponctué mes vacances en Corse cet été, visite dont j'ai déjà distillé quelques infos ici et là dans mes précédents billets pour les Vendredis du Vin mais que je n'avais pas encore pris le temps de vous conter en détails.
Et quelle meilleure façon de commencer ce billet que de planter visuellement le décor. "Une image vaut 1000 mots" comme on dit !
Cette superbe vue a été prise dans le Cap Corse, depuis le village de Rogliano. Et au loin, ce que vous voyez c'est le port de Macinaggio.
Voici la petite carte qui va bien (merci Google !) pour vous montrer où ça se trouve précisément sur la carte de la Corse.
C'est dans ce cadre enchanteur que s'est faite notre rencontre avec Marine et Sébastien Luigi qui épaulent leur père Jean-Noël à la tête du Clos Nicrosi.
Un domaine qui depuis longtemps figure parmi les fleurons de la viticulture corse et que j'avais à coeur de visiter car ses vins blancs secs sont parmi les premiers que j'ai eu l'occasion de découvrir sur l'Ile de Beauté, il y a maintenant quelques années.
Sébastien Luigi nous a accueillis au caveau, qui se trouve à Macinaggio. C'est le point de vente des vins du Clos Nicrosi, et c'est aussi là que se fait la vinification.
Mais les vins sont ensuite mis en bouteilles et hivernent sur les hauteurs de Macinaggio, à Rogliano, le très joli village que vous pouvez voir sur la photo ci-dessous.
A Rogliano se trouve en effet la maison de famille des Luigi, une belle "maison d'Américain" comme on en trouve dans le Cap Corse, et c'est dans les caves de cette belle demeure que les vins sont mis en bouteille et reposent jusqu'à leur commercialisation.
[mise à jour du 13/03/2017 : il semblerait que depuis mon article les choses aient changé car je viens d'apprendre que cette maison d'Américain, appelée le Palazzu Nicrosi, allait bientôt devenir une demeure de charme : http://www.palazzu-nicrosi.com. Ouverture apparemment prévue en mai 2017, donc affaire à suivre !]
Nous avons donc démarré la visite ici, et nous y avons retrouvé Marine Luigi, la soeur de Sébastien et la dernière venue sur le domaine.
L'histoire du domaine
Créé vers 1850, le Clos Nicrosi est l'un des plus vieux domaines du Cap Corse. A la mort de son fondateur, Dominique Nicrosi, en 1920, aucun des enfants ne reprend la suite. Il faudra attendre près de 40 ans pour que le vignoble soit reconstitué par les arrières petits-fils de Dominique Nicrosi. C'est en effet en 1959 que Toussaint et Paul Luigi (le grand-oncle et le grand-père de Marine et Sébastien) décident de replanter des vignes. Leur première bouteille voit le jour en 1962.
Jean-Noël Luigi, le père de Marine et Sébastien, a quant à lui rejoint l'exploitation dans les années 80.
Aujourd'hui, Marine, 28 ans, et Sébastien, 36 ans, sont donc la 4ème génération à travailler sur le domaine (depuis 2 ans pour la première et 10 ans pour le second).
La philosophie
Les vignes du Clos Nicrosi, environ 10 ha aujourd'hui, se situent dans la plaine de Macinaggio.
Ce sol, composé de schistes dégradés et d'un peu d'argile, sied à merveille aux cépages traditionnels corses travaillés par le domaine : le Vermentinu (pour les blancs), l'Aleatico (pour le Rappu) mais aussi les fameux Sciaccarellu (1ha) et Niellucciu (1/2ha), des cépages rouges (en cours de replantation, une partie des vignes en rouge ayant été dévastée par les sangliers et la maladie du bois).
Pour le Muscatellu, le Clos Nicrosi travaille avec du Muscat Petits Grains.
Le vignoble est conduit en agriculture raisonnée et les vendanges sont faites exclusivement à la main.
La vinification se fait dans des cuves inox thermorégulées et seules les levures indigènes sont utilisées pour la fermentation. Pas d'élevage en fût non plus.
Pour l'ensemble de leurs vins, les Luigi veillent à respecter autant que possible la tradition des anciens.
On sent, en écoutant Marine et Sébastien ce profond respect des traditions, du travail accompli par les anciens qui a contribué à faire la réputation des vins du Cap Corse.
Mais ce que j'ai particulièrement aimé chez eux, c'est que, malgré la notoriété du domaine, ils ont la volonté de ne pas se reposer sur leurs lauriers pour continuer à le faire progresser.
Et surtout que ce respect de la tradition n'est pas synonyme d'immobilisme. Au contraire, ils ont plein d'envies pour l'avenir et ont la ferme intention de faire souffler un vent de modernité sur le domaine.
Parmi leurs projets, il y a d'abord la construction d'une cave, d'ici maximum 5 ans, car les allers-retours entre Macinaggio et Rogliano génèrent beaucoup de manutention.
Il y a aussi le souhait de se développer en France et à l'export car à date 80% de la production est vendue en Corse.
Il y a enfin l'envie d'élargir la gamme.
C'est dans cet optique que des cépages rouges ont été replantés pour pouvoir proposer du Clos Nicrosi en rosé et en rouge.
Mais Marine et Sébastien ne s'arrêtent pas là et travaillent aussi sur leurs blancs et leurs muscats. Ils aimeraient à terme pouvoir proposer 2 blancs et 2 muscats.
Nous avons eu la chance pendant notre visite de goûter quelques uns de leurs essais sur le muscat et il y a des choses très intéressantes. J'ai vraiment hâte de voir ce que ça va donner dans les années à venir !
Justement, plus que l'on parle de la gamme des vins du Clos Nicrosi, passons à une étape essentielle : la dégustation !
Et la dégustation dans tout ça ?
C'est au caveau que nous avons pu déguster les derniers millésimes en vente à la fin de notre visite.
Le blanc sec du Clos Nicrosi est composé à 100% de Vermentinu. C'est le terroir de schistes qui apporte une certaine minéralité au vin et lui permet de s'exprimer pleinement sans avoir besoin de recourir à l'élevage en fût.
Nous avons eu l'occasion de goûter les millésimes 2010, 2011 et 2012.
Mon préféré a été le 2010, que j'ai trouvé plus complexe et que j'imaginais volontiers à table, mais le 2012 m'a également beaucoup plu, avec son nez très intense et ses arômes floraux et très fruités.
Quant au 2011, il était très bon aussi, avec une belle ampleur en bouche, mais il m'a globalement moins séduite sur le coup.
Lors de cette dégustation, Sébastien nous a expliqué que ces vins blancs avaient un beau potentiel de vieillissement et qu'il ne fallait pas hésiter à les garder quelques années. Je vais essayer mais ce n'est pas gagné vu mon impatience légendaire.
Réalisé uniquement à partir de Muscat Petits Grains.
Les raisins sont récoltés manuellement dans des cagettes en bois puis 60 à 80% de la récolte est passerillée directement dans les vignes. C'est-à-dire que l'on laisse les raisins sécher au soleil, pendant 1 à 2 semaines dans le cas du Muscatellu du Clos Nicrosi. Cette étape permet de moins muter à l'alcool par la suite.
Comme pour les autres vins du domaine, la fermentation et l’élevage s'effectuent ensuite dans les cuves inox thermorégulées en utilisant les levures indigènes (le muscat reste au maximum un an en cuve).
A la fin du processus, un mutage à l’alcool est effectué pour préserver les sucres et obtenir un degré alcoolique suffisant.
Nous avons eu l'occasion de déguster le Muscatellu dans 2 millésimes, le 2011 et le 2012.
J'aime les vins moelleux et les vins doux naturels de façon général, mais je suis parfois déçue quand j'en rencontre chez qui le sucre prend trop le dessus et rend la bouche pâteuse.
Or ici, les 2 millésimes m'ont convaincue car il y avait un très bon équilibre, et l'acidité, bien présente, permettait de réduire la sensation de sucrosité en bouche.
Si vous appréciez ce type de vins, foncez car ce Muscatellu est un pur délice, avec des arômes de fruits secs et de miel !
Le dernier bijou du Clos Nicrosi est produit de façon confidentielle (600 à 1000 bouteilles par an), mais si vous avez un jour l'occasion de croiser son chemin, vous ne serez pas déçus !
Ce vin rouge sucré est issu de moût de raisin partiellement fermenté et réalisé à 100% avec le cépage Aléatico.
J'en avais déjà parlé lors d'une précédente session des Vendredis du Vin, donc je vous invite à relire ce billet pour avoir plus de détails sur le mode de production de ce vin et sur la dégustation.
J'ai eu un gros coup de coeur pour ce vin, donc je vous invite vraiment à le goûter à l'occasion. Bon, c'est juste un peu compliqué de le trouver sur le continent, mais n'hésitez pas à prendre contact directement avec le domaine pour avoir plus d'informations sur sa distribution.
Aparté pour les toulousains : le Domaine de Lastours, 44 rue du Languedoc, commercialise les vins du Clos Nicrosi, donc vous pouvez toujours aller les voir et leur demander s'il leur est possible de passer une commande de Rappu.
D'ailleurs, à propos de contact, voici venu pour moi le moment de terminer ce billet en remerciant encore Marine et Sébastien pour leur gentillesse et leur disponibilité et en vous donnant les coordonnées du domaine, si ce billet vous a donné envie de découvrir leurs vins :
Clos Nicrosi
20247 Rogliano
Tel : 04 95 35 41 17
Email : clos.nicrosi@orange.fr
Site internet : http://www.closnicrosi.fr
Page Facebook : https://www.facebook.com/ClosNicrosi
Compte Twitter : @ClosNicrosi
Les producteurs d'Armagnac, entre tradition et modernité
Après ce petit interlude musical à l'occasion de la 59ème édition des Vendredis du Vin, voici comme promis, la suite de mes Escapades en Armagnac.
Si vous vous souvenez, nous avons débuté cette série de billets par un rapide aperçu de mon weekend début septembre au pays de D'Artagnan, avant de rentrer dans le vif du sujet avec les étapes de fabrication de la plus vieille eau-de-vie française. Nous avons ensuite enchaîné avec les accords à table pour faire honneur à la Fête de la Gastronomie 2013.
Voici à présent venu le moment d'évoquer ceux et celles qui façonnent ce spiritueux de caractère qu'est l'Armagnac.
L'Armagnac, un produit d'artisans ?
En l'espace de 2 jours, nous n'avons bien sûr pas fait la connaissance de tous les producteurs regroupés dans l'AOC Armagnac.
Mais nous avons eu la chance de croiser le chemin de personnalités très différentes. Des personnes extraverties, d'autres beaucoup plus réservées. Des "enfants du cru" et des "expatriés". Des petits producteurs et de plus grosses maisons.
Une bonne façon d'appréhender la diversité du paysage productif armagnacais mais aussi de comprendre ce qui le différencie en partie de son cousin charentais.
Car si à Cognac, les marques règnent en maîtres, en Armagnac, on a davantage l'impression d'avoir affaire à un produit d'artisans.
C'est peut-être cela qui, à mes yeux, donne à l'Armagnac ce petit supplément d'âme (même si cela ne m'empêche pas d'apprécier aussi le Cognac, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit !).
Je vous disais donc qu'il y avait de la diversité chez les producteurs d'Armagnac rencontrés pendant le weekend. Et pourtant, au-delà des différences, il y a aussi des choses qui les rassemblent : la passion qui les anime bien sûr, mais aussi et surtout, un profond respect de la tradition, souvent allié à une certaine modernité.
Mais trêve de bavardages, passons aux 4 portraits croisés.
Jérôme Delord de la Maison Delord, à Lannepax
Jérôme Delord est le premier producteur que nous avons rencontré lors de notre périple en Gascogne. Et le moins que l'on puisse dire c'est que c'est un personnage haut en couleurs, débordant d'enthousiasme et de dynamisme !
Chez les Delord, l'Armagnac est une histoire de famille.
Une histoire qui remonte à 1893, date de création de la Maison par Prosper Delord, alors distillateur ambulant.
4 générations plus tard, c'est Jérôme qui est à la tête de la Maison Delord, avec son frère Sylvain.
Jérôme ayant un passé de commercial, il a tout naturellement pris en charge l'aspect commercialisation.
Son frère Sylvain, lui, s'occupe du travail à la vigne et au chai.
La tradition est omniprésente chez les Delord.
Des portraits de famille trônent ainsi dans la salle de distillation et le caveau de dégustation, les vieux alambics SIER sont chouchoutés, les étiquettes sont encore écrites à la main par Jacques, le père de Jérôme et Sylvain, et le "paradis" recèle de trésors du passé, comme cette très jolie bouteille en forme d'étoile.
Mais le tandem fraternel (une autre constante chez les Delord) n'oublie pas pour autant d'insuffler aussi un vent de modernité.
Ils travaillent par exemple actuellement sur des créations éphémères d'Armagnac et ils ont depuis peu ouvert une page Facebook.
Patrick Giacosa du Château Le Courréjot, à Condom
Nous avons rencontré Patrick Giacosa lors de la soirée au Chai Laure à Condom.
D'origine italienne, les parents de Patrick se sont installés dans le Gers en tant qu'agriculteurs.
Après avoir travaillé comme distillateur ambulant pendant plusieurs années, Patrick Giacosa s'est lancé dans la production et la commercialisation de son propre Armagnac, dont il assure bien sûr aussi la distillation.
Ce qui m'a marquée chez Patrick Giacosa c'est sa très grande humilité.
Non pas qu'il ne soit pas fier de la production du Château Le Courréjot, mais on sent qu'il n'aime pas se mettre en avant et "se vendre".
Et pourtant quel plaisir de l'écouter parler de ses armagnacs millésimés, des difficultés du travail du distillateur pour arriver à régler l'alambic afin qu'il donne la meilleure eau-de-vie possible, de la patience dont doit faire preuve le producteur d'Armagnac avant d'espérer pouvoir profiter du fruit de son travail...
Vous l'aurez compris, ce fut un de mes coups de cœur du weekend.
Jacques Hauller du Château de Gensac, à Condom
Nous avons ensuite fait la connaissance de Jacques Hauller, directeur du Château de Gensac.
Cet oenologue d'origine alsacienne s'occupe depuis 2011 de cette propriété de 300 hectares qui produit des Armagnacs, mais aussi des vins (dont les noms sont tous inspirés de l'univers de l'équitation, la passion du propriétaire suisse du domaine).
Si Jacques Hauller m'a semblé un peu froid au tout premier abord, il a suffi que l'on rentre dans le chai pour que cette impression s'estompe.
Car là encore, on a affaire à un passionné qui vous embarque tout de suite avec lui quand il commence à vous parler de l'objet de sa passion.
Ce que j'ai particulièrement apprécié c'est la capacité de Jacques Hauller à nous expliquer le côté technique de la production d'Armagnac de façon très accessible.
Sa dégustation sous forme de verticale a d'ailleurs été extrêmement instructive car elle nous a permis de percevoir concrètement l'évolution de l'eau-de-vie aux différentes étapes de son vieillissement.
Au Château de Gensac, une fois de plus tradition et modernité se mêlent.
Les vignes continuent d'être exclusivement vendangées à la main, le chai a gardé ses vieilles pierres et charpentes, mais à côté de cela les cuves de vinification sont ultra modernes et le domaine travaille actuellement sur un produit assez innovant : un Armagnac (et une Blanche) kasher.
Le Château de Gensac aussi a sa page Facebook.
Myriam Darzacq du Domaine de Paguy, à Betbezer d'Armagnac
Le Domaine de Paguy, dans les Landes, est le dernier domaine que nous avons visité.
C'est la mère de Myriam Darzacq qui a débuté pour nous la visite, avant que sa fille ne prenne la relève.
Ce fut passionnant d'avoir la vision du domaine par ces 2 générations.
Paulette et Albert, les parents de Myriam Darzacq, ont quitté en 1957 leurs métiers respectifs (couturière et comptable) pour s'installer sur l'exploitation.
Albert Darzacq s'est beaucoup battu pour l'Armagnac dans la région et notamment contre l'arrachage des vignes.
Aujourd'hui, leur fille Myriam, revenue sur le domaine en 2012, se forme au contact de son père et s'apprête à prendre la relève à la tête de ce domaine qui s'étend sur 77 hectares, dont 11 hectares de vignes, et produit du Floc de Gascogne (blanc et rosé) et de l'Armagnac (à partir de 8 ans d'âge), Armagnac dont une partie de la production est vendue au négoce.
Le Domaine de Paguy propose aussi des chambres d'hôtes et gîtes depuis les années 80 mais j'aurai l'occasion de vous en reparler dans mon dernier billet sur l'oenotourisme. En attendant, vous pouvez aller faire un tour sur leur page Facebook.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce domaine, petit par la taille, mais une fois de plus tenu par des gens passionnés et profondément humains, pour lesquels le partage est une valeur essentielle.
J'en ai fini avec le portrait des 4 producteurs passionnés et passionnants que nous avons rencontrés lors du weekend.
J'ai volontairement mis à part le Domaine de Pellehaut, que nous avons également visité. Rien à voir avec la qualité des produits car les Armagnacs dégustés lors du déjeuner étaient très bons (notamment la Réserve de Gaston que j'ai beaucoup appréciée), mais lors de la visite, nous n'avons pas eu l'occasion de rencontrer les frères Béraut, propriétaires du domaine, donc mon ressenti est forcément différent. De plus, la visite de la propriété a davantage mis l'accent sur les vins, donc nous n'avons pas échangé sur les spécificités des Armagnacs de ce domaine.
Je ne vous ai pas non plus parlé du Château de Mons dans ce billet car je le réserve pour le dernier billet qui sera dédié à l'oenotourisme.
Quant aux autres Armagnacs découverts lors de la masterclass ou du déjeuner au Château de Bellevue, certains m'ont donné envie d'aller à la découverte de ces domaines, donc j'aurais sûrement l'occasion de vous en reparler.
Ainsi s'achève ce troisième volet de les Escapades en Armagnac.
Dans le dernier volet, nous aborderons la question de l'oenotourisme. Stay tuned ;-)!