« Demain, puis demain, puis demain glisse à petits pas de jour en jour jusqu’à la dernière syllabe du registre des temps… »

Ce mois-ci, j’ai l’honneur de présider les Vendredis du Vin, un événement mensuel que j’apprécie particulièrement pour les valeurs de partage qu’il véhicule. Et ce que j’aime aussi, c’est l’idée que tout le monde puisse y participer, blogueur ou non. C’est donc avec un grand plaisir que j’accueille aujourd’hui sur mon blog Boris Politi (Champagnes François Diligent) pour lui permettre de partager avec vous et avec la communauté des Vendredis du Vin ce que lui a inspiré le thème que j’avais choisi pour cette 63ème édition : la patience.
Je vous souhaite une bonne lecture et laisse la parole à Boris…

Boris-Politi
Boris Politi (Champagnes François Diligent), invité du blog pour les Vendredis du Vin #63

Demain, puis demain, puis demain glisse à petits pas de jour en jour jusqu’à la dernière syllabe du registre des temps…

En réalité cette citation de Macbeth que je porte en moi jour après jour, mois après moi(s), je la porte de guingois… et elle devient « jour après jour sur le registre interminable du temps »… Voilà, avec une seule citation, j’ai réussi à montrer à la fois mon impatience et ma peur du temps qui passe (ainsi que ma capacité de synthèse)…

Depuis que je m’intéresse au vin je déclare à qui veut l’entendre que le vin est l’application matérielle d’une philosophie… Et que par voie de conséquence le vin ressemble à son créateur… Et que si ce n’est pas le cas, s’ il y a un hiatus, un « gap » entre le vin et son créateur, si l’un n’était pas directement lié à l’autre par ses qualités intrinsèques alors le vin ne pouvait pas être bon… C’était à tel point que nous avions imaginé avec un ami écrire un livre sur des vignerons emblématiques avec d’un côté un questionnaire de « Proust » et de l’autre un guide de leurs cuvées…

Ma relation à la patience étant donc définie en négatif (bref je suis impatient), j’ai besoin de trouver des remèdes, des stratégies qui me permettent d’attendre ou qui me permettent de n’avoir pas à attendre…

Première stratégie, changer son goût pour ne plus être dépendant du vieillissement d’un vin, pour apprécier voire n’aimer que les vins jeunes… L’application de cette stratégie d’évitement m’a été facilitée par deux choses… Un palais de gros fumeur… (enfin plus exactement 0.5 mm de goudron sur la langue en permanence)… qui faisait que je n aimais que les vins sur la puissance, la jeunesse !! Les vins qui déménagent avec du bois et des tannins si possible agressifs ! Les blanc sur l’austérité et l’acidité, les rouges avec des lames de rasoirs… J’ai aussi travaillé pendant 10 ans à l’exportation des vins et à l’export, nos amis anglo-saxons veulent le dernier millésime, pas celui d’il y a 3 ans qui est prêt a boire, non… celui de la dernière vendange !! J’ai depuis arrêté de fumer…et je passe plus de temps en France, les choses changent…

Deuxième stratégie qui consiste à s’obliger à respecter le temps… Pour cela il existe plusieurs tactiques adaptées à différentes situations.

La tactique de la cave personnelle… Certains d’entre nous ont des caves perso complètes, organisées, remplies de vins divins et de nectars ( blah blah ad lib)… La mienne est remplie mais je ne sais pas de quoi au juste… Car je refuse de la ranger, j’entasse les cartons près de la porte, des fois je n’arrive plus à ouvrir la porte de la cave qui est bloquée par les cartons alors je vide les cartons sur des étagères… En fait, rien n’est organisé, je mets les bouteilles là où il y a de la place… Car surtout je ne veux pas savoir ce que j’ai … J’aime aller explorer la cave telle une caverne d’ali baba et retrouver par hasard de vieux amis que je croyais disparus… Telle cette caisse de 12 de Cru Barrejats de Mirelle Daret… ou ces vieux Raymond Boulard époque pré Francis Boulard et fille… ou ce vieux mis en cave 83 de Diebolt Valois… Je suis un peu moins heureux quand je retrouve une caisse de rosé de Provence 2004… ou ces vieux Villatade (je les avais oubliés eux, c’est un post de Sandrine de la Pinardothek qui me les a ramenés sur le devant de ma mémoire) qui n’ont rien à faire dans ma cave (m’en fous, je les garde, j’ai la dent longue). Cela dit, cela amène à une variation par la force des choses de la première stratégie… En plus des vins jeunes, il faut avoir ou avoir créé une véritable passion pour les vieilles quilles sur des goûts tertiaires…

La tactique professionnelle… T’es provençal, tu bosses dans le vin, pourquoi tu vas pas faire du rosé de Provence !! C’est parfait pour les impatients ça ! Ben non… Tu vas faire du champagne, un peu comme une conduite contre-phobique, un pinard bien compliqué, en plus tu décides (à cause d’une phrase dite par Pierre Larmandier qui se plaignait de vendre des vins de plus en plus jeunes… Terre de Vertus de Larmandier arrête le temps, vous saviez pas ça, le tour de la ville à genoux pour en boire) que pour tes champagnes tu pousseras le vieillissement de façon arbitraire jusqu’à au moins 5 ans, si possible 8… Impatient et MASO !!

Quand tu pousses un peu plus loin le raisonnement tu te dis « ok, le vin doit ressembler à son créateur, je fais du champagne et je suis impatient… pourquoi donc ? y a-t-il une incohérence ? », et finalement tu comprends que c’est pour être immortel qu’il reste du plaisir à donner à d’autres… Plus tard quand tu ne seras plus mais que tu seras reconnu (en fait, t’essayes d expliquer ta mégalomanie a posteriori)

Mais putain(g) c’est long !!!

Boris Politi

PS: il n y a pas de description de vin, c’est voulu… C’est une règle que je me suis imposé depuis iachos au début des années 80 heu pardon 2000… Les vins cités, leurs auteurs le sont volontairement… J’avoue que j’ai pas la patience d’essayer de parler de… trop long ! Bref, j’essaye de vous faire sourire ou en tout cas de vous embarquer sur des chemin plus droits qu’ils n’y paraissent.

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